Depuis l’Antiquité, cette question taraude la plupart de ceux qui s’intéressent à ce conflit. Pour en comprendre les tenants et aboutissants, il faut tout d’abord tenter de mieux saisir la question militaire puis se pencher également sur les intentions d’Hannibal, qui sont par ailleurs parfaitement corroborées par la stratégie qu’il a développée depuis le déclenchement des hostilités.
Du point de vue militaire, il faut d’abord se rappeler un point essentiel : Cannes fut une terrible bataille pour l’armée d’Hannibal ; ses soldats avaient besoin de souffler. Or le Carthaginois, depuis la terrible épreuve des Alpes, leur a accordé un repos après chaque grande épreuve de sa campagne d’Italie. Nous ne voyons donc pas comment ses soldats auraient pu, après le terrible effort fourni à Cannes et sans prendre le temps de se reposer et de panser leurs blessures, prendre la route de Rome pour l’assiéger. Ce raisonnement est bien sûr valable pour tous les corps de l’armée d’Hannibal, cavalerie comprise.
D’autre part, pour les Carthaginois, assiéger Rome reviendrait à risquer de se retrouver assiégés à leur tour car la topographie des alentours de Rome et sa situation, au centre du Latium y seraient propices.
De plus, si sept légions sont détruites, Rome a encore à sa disposition plusieurs autres, déjà mobilisées et capables de converger vers la métropole en quelques semaines.
Il faut aussi rappeler qu’avec le Tibre, Rome garde une possibilité d’approvisionnement par la flotte qui, depuis les lendemains de Trasimène, est prête à assumer ce rôle. Or, un siège sans blocus n’a aucun sens.
Sans oublier que l’armée romaine est prête à poursuivre ce qu’elle a fait depuis Trasimène : évacuer les localités exposées, regrouper les populations évacuées et, surtout, bloquer les approvisionnements et appliquer la politique de la terre brûlée pour affamer l’armée Carthaginoise.
Il faut aussi avoir à l’esprit les difficultés d’un siège. Celui de Sagonte avait mobilisé Hannibal durant plus de sept longs mois alors qu’il disposait du matériel adéquat qui, en Italie, lui fait défaut. Le siège de Rome l’aurait obligé à mobiliser son armée durant de longues années, mais il risquait surtout de lever contre lui une résistance des Latins qui aurait transformé cette guerre en un véritable massacre de civils, adolescents, enfants, femmes et vieillards compris. La stratégie vive et imaginative d’Hannibal se serait transformée en un exécrable combat qui aurait été en totale contradiction avec l’homme et son projet. L’image d’Hannibal, qui tel Héraklès libère les Italiques en les débarrassant de leurs mauvais rois, en aurait pris un sérieux coup. D’ailleurs, Hannibal exclut formellement cette perspective et le dit à ses captifs romains au lendemain de la célèbre bataille : «Je ne mène pas une guerre d’extermination, c’est pour maintenir le rang de ma patrie et pour lui assurer l’hégémonie (imperium) que je combats.»
L’éducation d’Hannibal elle-même explicite son refus d’une guerre d’extermination : Hannibal a été formé au métier des armes très jeune et cet apprentissage s’est fait au contact direct de la réalité guerrière. Dans cette formation, il a été soutenu par deux modèles prestigieux : celui de son père, qui a porté sur ses seules épaules la renaissance de la puissance carthaginoise, et celui d’Alexandre le Grand dont Sosilos, son précepteur grec, lui faisait lire l’histoire. «Ces deux modèles étaient là pour convaincre Hannibal que la guerre n’est pas une activité gratuite et que si l’on use de l’épée, ce doit être pour édifier un monde.»
Pétri d’hellénisme, Hannibal rêve d’un monde uni dans l’indépendance et la spécificité des civilisations. Il veut arrêter l’impérialisme de Rome en la forçant à reconnaître sa défaite et à accepter de conclure un traité qui annule celui de 241 et qui rende aux peuples italiques leur indépendance.
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